13. Dezember 08
Le Temps
  • CD Busoni/Enescu

Unis dans un même souffle

Nurit Stark et Cédric Pescia rendent à Busoni et Enescu leur poésie âpre.

Cédric Pescia et sa compagne violoniste Nurit Stark ont pris le parti de surprendre. Ce récital, enregistré à Berlin, s'ouvre sur une œuvre insolite et superbe, rarement jouée. Busoni n'a jamais eu la cote. Sa renommée de pianiste virtuose a toujours porté ombrage à son activité de compositeur. Sa Deuxième Sonate pour piano et violon est une œuvre ambitieuse qui livre ses beautés au fil d'écoutes successives.

On est d'abord interloqué par cette forme d'un seul tenant, qui s'apparente à une fantaisie. Busoni a pris pour modèle la Sonate opus 109 de Beethoven dont il reproduit ici la structure. Son œuvre porte aussi l'empreinte de Bach et de Brahms, mais il s'en sert pour développer une imagination féconde et très personnelle, comme le dit joliment Etienne Barilier dans sa note explicative.

D'emblée, les premiers accords sombres au piano ouvrent un abîme. Le violon de Nurit Stark, d'une sensibilité à fleur de peau, se love dans ces harmonies chaudes et sensuelles. Unis par un même souffle, le pianiste et la violoniste entament une épopée riche en contrastes, du «Presto» à l'allure de tarentelle au mouvement lent à variations, construit sur un choral de Bach. Cédric Pescia effleure les touches pour mieux laisser la violoniste tisser son chant. Un grand arc se dessine. Dans la Troisième Sonate pour violon et piano d'Enescu, Cédric Pescia et Nurit Stark accentuent le caractère improvisé de la musique. Le piano très évocateur et formidablement élastique de Cédric Pescia accompagne le violon de Nurit Stark, qui semble danser comme un funambule sur une corde raide.

 

Julian Sykes