11. Juni 09
L'Hebdo

Les faux frères du piano romand

 

Cédric Pescia et Christian Chamorel, les deux figures phares et trentenaires du piano romand, sortent chacun un disque. Match entre gentlemen.

Son parcours l'amène de la classe de Christian Favre, à Lausanne, jusqu'à Berlin où il demeure désormais. Cédric Pescia, 33 ans, aime l'espace, l'indépendance, ce qui n'enlève rien à la relation forte qu'il tisse avec la Suisse romande: «La fidélité d'un public est un élément précieux, mais j'aime y répondre par des projets nouveaux!» Son festival annuel au Théâtre Kléber-Méleau (lire «Agenda») en est un signe. Le pianiste convoque des musiciens d'ici ou d'ailleurs, notamment cette année la compositrice Sofia Gubaïdulina, et partage son bonheur absolu de la scène. Il construit sa carrière comme ses interprétations avec intelligence et un bel équilibre entre approfondissement et prise de risque. Passion et recul. Analyse et générosité. Toujours en adéquation avec ce qu'il sait de lui. «Je connais ma morphologie, celle de mes mains comme de mon mental! Je choisis les œuvres que je pense comprendre et bien transmettre.» Bach, Mozart, Schumann, Beethoven, la musique française. Et soudain, comme récemment à Zurich, il tente un «coup de poker» en jouant (presque au pied levé) la 2e Symphonie de Bemstein à la Tonhalle, une œuvre athlétique qu'il n'aurait pas imaginé ajouter à son répertoire! Bol d'air frais qui le met en joie.

Cédric Pescia vit de son métier de concertiste. Il inspire confiance et intérêt, tant pour des récitals que des programmes avec orchestre. Sa pensée est précise, comme ses mots et sa voix, posée et sereine. Même si l'enseignement l'intéresse, il juge prématuré de s'y lancer. Priorité à la scène, à l'inconnu, à la musique de chambre, à la maturation d'oeuvres à enregistrer.

Son nouveau disque (le 5e) est consacré aux trois dernières sonates de Beethoven. Magnifique, à la hauteur de ses Variations Goldberg de 2004 : «Je commence à me sentir vraiment bien en studio. Mais le concert demeure l'essentiel grâce aux échanges avec le public, avec des pianos à chaque fois différents et à la liberté qu'apporte la scène, moment de musique unique et éphémère.»

DOMINIQUE ROSSET