22. Juni 09
24 heures
Au-delà de la frontière des notes
  • Concert 20.6.09, Ensemble enScène avec Cédric Pescia, Théâtre Kléber-Méleau, Renens-Lausanne

 

Répondant à l’invitation de Cédric Pescia, Sofia Gubaidulina et Viktor Suslin ont fait jaillir leurs univers sonores parallèles et poétiques.

Orages de pizzicati, vertiges de glissandi, bourrasques d’harmoniques, grondement grave des cordes et scintillement moiré des aquaphones: les rencontres musicales avec Cédric Pescia au Théâtre Kléber-Méleau, à Renens, ont soufflé samedi soir le brûlant et le glacé, l’obscur et l’éblouissant, l’inouï.

Tout art a une origine archaïque: Sofia Gubaidulina et Viktor Suslin se sont plu à le rappeler dans le concert, entièrement dédié à leurs musiques. Les deux compositeurs russes, accompagnés d’Alexander Suslin, le fils de Viktor, ont exploré, en ouverture de concert, cette espèce de fascination brute pour des sons que l’on peut produire à partir d’objets élémentaires comme deux pierres frottées jusqu’aux instruments les plus élaborés. A travers leur collection hétéroclite et leur manière si peu orthodoxe de les jouer, les trois musiciens d’Astrea posent comme point de départ l’éventail infini des sons que l’homme s’ingéniera ensuite à sélectionner pour en tirer la meilleure substance. Ils mettent en avant également la dimension essentiellement ludique de la musique. Aussi sacrée soit-elle, elle est avant tout un jeu!

Ces éléments se retrouvent dans leurs pièces écrites pour instruments classiques. Nurit Stark au violon, Cédric Pescia au piano, Ivan Monighetti et ses élèves aux violoncelles, ainsi que Teodoro Anzellotti à l’accordéon bayan, ont fait ressortir une écriture rigoureuse, au langage parfois abrupt – cultivant toujours l’expérimentation et les modes de jeux exotiques – mais dont la trajectoire spirituelle est facilement identifiable: de l’extrême sombre aux aigus les plus impalpables, du chaos au langage articulé. Femme frêle et énergique à la fois, Sofia Gubaidulina émeut par sa capacité à nous faire passer au-delà des notes comme par enchantement.

 

Matthieu Chenal