Oktober 09
Diapason
  • CD Beethoven

Cédric Pescia, trente-trois ans, et Jean-Frédéric Neuburger, vingt-trois, enregistrent des sonates du dernier Beethoven ; il y a trente ans, il n’aurait pas été imaginable qu’ils le fassent si facilement, en tout cas sans se faire remonter les bretelles par une critique et un public condescendants. Aujourd’hui cela paraît naturel. Et c’est justice, car ces œuvres, bien avant d’être des sommets intouchables par la jeunesse, sont simplement des sonates à jouer après avoir été analysées ; tous leurs secrets sont dans le texte… et pas dans la tradition ou la sagesse qui viendrait avec l’âge. (…)
Cédric Pescia, lui, serait plus poète… Disons plutôt qu’il est davantage porté vers l’intériorité, le murmure, l’ombre. Mais les sonates qu’il joue invitent à cela. Admirable schumannien, Pescia reste pourtant aux portes du paradis dans l’Opus 109. Les variations sont trop bien peignées, trop classiques, voire séquencées, le son trop léger, presque détimbré parfois. En revanche, l’Opus 110 touche au but : les épisodes, non contents de s’enchaîner avec logique et d’avancer de façon irrépressible, émeuvent par la pertinence des nuances dynamiques et par l’articulation légère : le drame est sous-jacent, jamais surjoué, ce qui est aisé dans les ariosos de cette sonate.
L’Opus 111 ? Magistralement mené du début à la sublime modulation finale d’où émergent des trilles : une véritable arche se fait entendre soutenue par une voix personnelle… qui, elle aussi, apporte un démenti à l’idée reçue selon laquelle un jeune pianiste serait aussi infaillible qu’impersonnel. Neuburger comme Pescia sont « juste » de grands artistes qui ne le cèdent en rien à qui que ce soit.

Alain Lompech